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Dossier spécial Noël : Etrennes et cadeaux, comment puis-je donner sans fiscalité ?

A l’approche de Noël, il nous a semblé important de faire un point sur les différentes formes de cadeaux qui sont faites au sein de la cellule familiale. Parents et grands-parents ne sont pas toujours sensibilisés sur les conséquences civiles et fiscales de leur générosité. Un éclaircissement s’impose afin de mieux comprendre le cadre fiscal des présents d’usage et dons manuels.

 

I- Les cadeaux de fin d’années, et étrennes entrent dans la catégorie des présents d’usage.

Ceux-ci sont fondés sur la « tradition » à savoir la remise manuelle de la chose « de la main à la main ». Ce présent d’usage est défini par le code civil à l’article 852 dispose que « Les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces et les présents d’usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant.

Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant. »

C’est en 1988 que la cour de cassation a pour la première fois défini les présents d’usage comme étant « des cadeaux n’excédant pas une certaine valeur qui sont faits à l’occasion de certains évènements et conformément à un certain usage, éléments qui doivent être relevés par les juges du fond » (arrêt du 06 décembre 1988. 1er Ch civ, Cass).

 

  • Conditions d’existence d’un présent d’usage

On l’aura compris, les « cadeaux » sont plus ou moins encadrés par la loi. Ils ne peuvent porter que sur des biens meubles : mobilier, véhicules automobiles, bijoux, objets d’art, espèces, chèques, virements, bons de caisse et autres valeurs mobilières, actions de sociétés….

Ils doivent être réalisés, et c’est bien là le plus important, à l’occasion d’un évènement particulier de la vie :

le présent doit être fait conformément à un « usage ».

 

  • Enfin, le présent d’usage n’est pas un présent d’usage pour qui veut bien le considérer comme tel.

En effet, celui-ci ne doit pas excéder une certaine valeur. Le code civil n’indique pas de valeur précise, mais il ne doit pas être excessif au regard de la situation financière du donateur. En fait, il ne doit pas appauvrir le donateur.

Exemple : La donation d’aquarelles d’une valeur de 10.000 € par un père à sa fille pour son mariage, n’a pas été considéré comme excessif compte tenu de sa fortune au jour du don. Peu importe d’ailleurs que la revente ultérieure ait permis aux époux d’empocher la somme de 860.000€ quelques années plus tard. (Civ. 1ère 10 mai 1995)

 

  • Le sort civil du présent d’usage

Normalement, lors du règlement de la succession il doit être tenu compte de tous les avantages que les héritiers ont reçus. On rapporte les dons qui ont été effectués tout au long de la vie du défunt.

Dans le cas présent, le présent d’usage n’est pas pris en compte pour la mise en œuvre des règles du rapport successoral et de la réduction, sauf volonté du disposant.

Ils ne sont pas réintégrés. (Cass. civ. 1. 19 sep. 2018, n°17-24205)

 

 

  • Fiscalité

Point le plus important de cet article, non, les présents d’usage ne sont pas soumis aux droits de mutation. La qualification de présent d’usage pour un cadeau consenti résulte, sur le plan civil et fiscal, d’un examen des circonstances concrètes de chaque affaire. L’administration ne fixe aucune règle de proportionnalité du présent par rapport à la fortune du donateur et appréciera au cas par cas sa nature.

 

 

 

II- Don manuel ou présent d’usage : une différence notable en matière de civile et fiscale

Dans les cas ou le don intervient en dehors d’une occasion exceptionnelle, celui-ci peut être considéré comme un don manuel.

Le don manuel est une sous-catégorie de donation.

Ainsi, une personne, le donateur, se dépouille sans contrepartie d’un bien, au profit d’une autre personne, le donataire, en étant animé d’une intention libérale. Il y a rencontre de deux volontés : celle du donateur de donner, et celle du donataire de recevoir.

Enfin, il doit y avoir un dessaisissement immédiat et irrévocable du donateur.

 

  • Fiscalité

Les dons manuels sont assujettis aux droits de donation :

  • Si ils sont révélés à l’administration fiscale par le donataire,
  • Lorsqu’ils font l’objet d’une reconnaissance judiciaire,
  • Lorsqu’ils sont constatés dans un acte soumis à la formalité de l’enregistrement renfermant leur déclaration par le donataire ou ses représentants.

Le don doit être déclaré à l’administration via le formulaire 2735 et les droits payés dans le mois suivant la révélation du don à l’administration.

 

 

  • A quoi bon révéler le don à l’administration ?

Seuls les dons manuels qui sont révélés à l’administration fiscale peuvent bénéficier des avantages fiscaux liés aux donations, et notamment :

  • Ils sont exonérés de droits de donation si leur montant est inférieur à l’abattement fiscal prévu pour les mutations à titres gratuit (CGI art 779)
  • Ils bénéficient de réductions liées à l’âge du donateur dans certains cas de transmission d’entreprise (art 790 du CGI)
  • L’abattement se régénère tous les 15 ans.

Dans le cas où le don manuel n’a pas été révélé, les avantages sont perdus et les dons seront soumis aux droits de succession.

 

  • Combien puis-je donner dans le cas d’un don manuel ?

Dons de sommes d’argent :

Dès lors que le donateur procède à une donation de sommes d’argent, il entre dans le cas des dons familiaux de sommes d’argent prévus à l’article 790 du CGI qui autorise un abattement de 31 865 € uniquement si le don est déclaré dans le mois suivant sa réalisation.

Néanmoins, certaines conditions sont à respecter pour bénéficier de cet abattement :

  • Le don doit porter sur une somme d’argent en pleine propriété
  • Le donateur doit être âgé de moins de 80 ans au jours de la succession
  • Le donataire doit être âgé de plus de 18 ans et être un enfant, un petit enfant, un arrière-petit-enfant (ou, à défaut d’une telle descendance, un neveu ou d’une nièce, ou, par représentation, un petit-neveu ou une petite-nièce) du donateur.

Cet abattement est à ne pas confondre avec l’abattement de droit commun en cas de donations aux petits enfants qui est également de 31 865 €.

 

Dons manuels autres qu’une somme d’argent :

Dès lors que le bien cédé n’est pas une somme d’argent, le don manuel entre dans le spectre d’une donation classique permettant de bénéficier d’un abattement de 100.000€ par parent et par enfant.

Exemple : don de titres de société, don d’une voiture ou encore une commode Louis XVI…

Cet abattement se régénère aussi tous les 15 ans.

 

 

  • Conséquences du don manuel au décès du donateur.

Civilement et comme (presque) toute donation, le don manuel obéit aux règles du rapport (dont le but est de préserver l’égalité entre les héritiers) et de la réduction (dont le but est de préserver la réserve des héritiers grâce notamment à la réunion fictive), et entre dans la succession.

Point important, le montant à retenir lors du règlement de la succession est celui du bien donné, réévalué au jours du décès (pour la réunion fictive) et du partage (pour le rapport civil). Cette réévaluation peut être sujette à de mauvaises surprises au moment de la succession.

Exemple : Si l’on considère l’exemple précédent des aquarelles, si celles-ci avaient été considérées comme un don manuel, alors le rapport successoral aurait valorisé ces aquarelles à 5 620 000 francs (70.000 francs au jours de la donation), obligeant les héritiers à payer des droits de succession sur cette nouvelle valeur.

 

 

III – Don manuel ou présent d’usage

Ces deux types de dons sont sensiblement différents et ne permettent pas de donner la même chose ni au même moment.

Le présent d’usage suppose une occasion particulière et ne doit pas être en désaccord avec le patrimoine du donateur.

Le don manuel devra lui être révélé à l’administration pour bénéficier des abattements de 31 865€ pour les dons de sommes d’argents et entrera dans l’abattement des 100.000€ de droit commun si le montant est supérieur à 31.865€ ou si le bien n’est pas une somme d’argent.

Ce dernier (100.000€) sera par contre rapportable à la succession à sa valeur au jour du partage.

Il est cependant certain que « donner et retenir ne vaut ». En effet, le code civil rappelle que le présent d’usage et le don manuel sont des actes irrévocables.

A noël, il sera opportun de faire comprendre notamment aux grands parents, que les étrennes peuvent être plus généreuses cette année si son patrimoine le permet, car une donation faite plus tard, pourra, elle, être fiscalisée et entamer les abattements de droits communs.

Nous restons à votre écoute, passez de belles fêtes de fin d’année.

21/12/2020 - Jean-Pierre LAZARO

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